• Maintenant, c’est officiel : on sait, désormais, pourquoi le président de la République a refusé de parapher les amendements introduits sur la loi électorale
• Commence un nouveau débat : comment faire pour que la nouvelle loi soit applicable en dépit de la position du chef de l’Etat ?
• Ennahdha appelle déjà les parlementaires à réagir
Les dés sont désormais jetés et la fumée blanche a fini par fuser du palais de Carthage pour annoncer aux Tunisiens que le président Béji Caïd Essebsi n’a pas signé les amendements de la loi électorale «tout simplement parce qu’il considère la nouvelle loi comme une loi d’exclusion et taillée sur mesure pour empêcher certaines personnalités de se porter candidates aux législatives du 6 octobre prochain et à la présidentielle du 17 novembre 2019», comme l’a précisé, hier, à l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) Noureddine Ben Ticha, conseiller principal auprès du chef de l’Etat.
Donc, maintenant, à bien comprendre les affirmations de Ben Ticha (qui a assumé la responsabilité d’éclairer les Tunisiens en l’absence, pour raisons personnelles, de Saïda Garrache, porte-parole officielle de la présidence de la République), sont bien tombées à l’eau les supputations et les hypothèses développées au cours des deux derniers jours par les constitutionnalistes soutenant que le chef de l’Etat «pourrait signer, dans les jours ou semaines à venir, la nouvelle loi électorale, ce qui aura pour conséquence de voir ses dispositions s’appliquer pour l’élection présidentielle alors que pour les législatives, c’est l’ancienne loi qui sera appliquée».
Autrement dit et pour être encore plus clair, Ben Ticha a fait comprendre à ceux qui espéraient toujours voir le président Caïd Essebsi changer de position que la décision présidentielle est irréversible et elle concerne les deux échéances électorales (les législatives et la présidentielle).
Et les constitutionnalistes qui ont avancé que Caïd Essebsi peut changer d’avis et signer la loi qui sera appliquée pour la présidentielle se doivent de réviser leur copie dans la mesure où rien ne montre dans la Constitution que le chef de l’Etat a le droit de signer la loi électorale pour une échéance (la présidentielle) et refuser de le faire pour une autre (les législatives).
Jawher Ben M’barek assure qu’il est possible de faire publier au Jort la nouvelle loi électorale en question même si elle n’est pas signée par le président de la République. Le même spécialiste ajoute que la loi en question non signée est applicable dès sa publication au Jort.
Ennahdha appelle à un dialogue national
Comme pressenti, Ennahdha, l’un des partis promoteurs des amendements de la loi électorale (désormais à ranger dans les tiroirs du Parlement, du moins jusqu’à l’élection de la nouvelle ARP et du prochain président de la République), n’est pas resté les bras croisés.
Hier, le bureau exécutif du parti de Montplaisir a tenu une réunion exceptionnelle, au terme de laquelle il a publié un communiqué dans lequel il exprime sa profonde préoccupation face à la non-signature des amendements de la loi électorale et appelle les chefs des blocs parlementaires à une réunion urgente afin «d’examiner les répercussions de cette décision sur le paysage politique national», ce qui veut dire pousser les acteurs politiques représentés au sein du palais du Bardo (en attendant peut-être d’élargir le débat aux représentants des autres partis et de la société civile) à «faire quelque chose face au blocage actuel dû à la position du président de la République».
Les analystes, tout en considérant que la non-promulgation des amendements juridiques est «un précédent juridique», écartent l’existence «de conséquences juridiques sur le déroulement des élections».
Et pour dire les choses crûment : il existe un point d’interrogation entouré d’un grand mystère à propos de la non-promulgation de la loi en question.
Noureddine Ben Ticha et certains autres leaders politiques ont beau essayer de répondre à cette grande question, chacun de son point de vue, on ne sait toujours pas pourquoi, comment ou dans quelles conditions, le président Béji Caïd Essebsi a décidé la non-promulgation d’une loi adoptée par le Parlement, contestée par 51 députés et déclarée constitutionnelle par l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi.
Le mystère reste entier, en attendant ce que le président de la République révélera aux Tunisiens dans l’allocution qu’il envisage de prononcer dans les prochains jours «pour clarifier, comme l’assure Noureddine Ben Ticha, tous les points concernant le paraphe des amendements modifiant et complétant la loi relative aux élections et référendums».